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jeudi 24 octobre 2013

Mises à jour



Il y en a eu ces derniers temps des tas de moments où je me suis dit : il y a ceci, et encore ceci, et puis cela, que j’aimerais dire, que j’aimerais écrire, pour le marquer pour moi-même ou pour le partager avec d’autres. Et puis, ça passe, ça passe le temps, et il y a le tourbillon de ce qu’il y a à faire (à moins que ce ne soit la flemme !)
Alors juste quelques repères…

Un séjour à Paris. L’impression un peu frustrante de n’y avoir rien fait vraiment pour moi-même. Mes activités associatives prévues bien sûr, des activités familiales prenantes plus que souhaitées (mais les parents commencent à se faire vieux, beaucoup de choses deviennent plus compliquées, demandent une mobilisation plus importante de notre part ; et puis des tas de choses aussi à régler avec les garçons, cela aussi a été très prenant, mais ça en tout cas c’est tourné vers l’avenir, la génération montante comme on dit !). Bref avec tout cela guère de temps pour mes déambulations personnelles, pour le cinéma ou les expositions. Il était déjà temps de revenir…

En s’arrêtant à Toulouse où l’APA tenait le week-end dernier un séminaire sur le Je au travail. Je n’ai guère participé à la préparation de l’affaire qui était largement engagée au moment de mon arrivée dans la région. Mais j’y ai assisté avec plaisir, les contenus étaient riches, l’ensemble très bien organisé. Je vais me charger d’en rendre compte. Ce sera sur le site de l’APA dans quelques jours puis dans le prochain numéro de La Faute à Rousseau dont on commence la préparation. Mon propre article est prêt déjà, je vois ma petite bande toulousaine ce samedi, j’attends de leur avoir présenté pour le mettre en ligne, ce sera fait dimanche. Outre l’intérêt du séminaire, un petit plaisir de blogueur : croiser une personne que l’on ne connait pas et qui vous dit qu’elle vous lit depuis des années et qui vous encourage à continuer.

Retour ici. Contrastes. Lundi, mardi, temps plombé, ciel immobile et pesant et pourtant le vent d’autan qui souffle et qui abrutit. Du coup, est-ce cette météo pénible, est-ce simplement la redescente, la décompression après des moments intenses, toujours est-il que je me suis senti presque déprimé. Je pouvais souffler, ça oui, c’était ce que j’attendais, et, en même temps, je me sentais comme étouffé par l’étroitesse de la petite ville, qu’il n’y ait nulle part où je puisse courir, Paris est évidemment très loin mais même Toulouse n’est pas si près. Lire bien sûr, ou écrire, il y aurait de toute façon mille choses à faire, mais incapacité à me mettre vraiment à quelque chose, passage des heures, zapping ici et là…
Et puis hier mercredi un incroyable retour du soleil, deux nouvelles roses écloses dans le jardin, sur notre unique pied de tomate, les quelques fruits encore présents, verts et durs, pourraient-ils encore mûrir ? Le matin j’ai écrit avec alacrité mon texte de compte-rendu du séminaire, nous avons mangé sur la terrasse en chemise puis sommes montés au lac, un peu de vélo jusqu’au pied de la pente, les vélos accrochés à une haie, la grimpette à pied et puis, oui, la baignade, un 23 octobre, je n’en revenais pas, une eau agréable, pas froide, simplement fraîche, la plongée dans l’eau vivifiante, une sensation quasi lustrale de purification, d’évacuation des stress et toxines tandis que je m’éloignais du bord en longues brasses coulées, avec le paysage en face de moi, les verts des forêts, les bleus de l’eau et du ciel et le miroitement encore violent de la lumière dans le contre-jour. Aucun baigneur autour de moi, un seul très loin à l’autre bout de la plage, on n’est pas en Bretagne ici et les gens sont facilement effarouchés par la fraîcheur de l’eau, mais j’ai croisé une jolie famille de canards qui s’est à peine détournée de sa trajectoire à mon passage…

Le soir cinéma. Blue Jasmine. Une mise en scène toujours brillante, Woody ne perd pas la main, mais un sujet et des personnes tragi-comiques, ici c’est la gravité qui l’emporte et de loin, on rit mais très jaune, Kate Blanchet est absolument époustouflante. Plaisir à constater que la salle était presque pleine à cette séance donnée en VO (j’ai toujours peur que la VO régresse, les programmateurs s’efforcent de passer chaque film étranger à la fois en VO et en VF, là c’était deux et deux, mais parfois c’est moins, voire pas de VO du tout).

Ce matin aussi j’ai écrit vite, ça a coulé sans effort et je publie sans presque rien corriger à la relecture. Bien sûr c’est toujours plus facile quand il s’agit juste de raconter, c’est autrement tortueux et laborieux quand je me mêle d’essayer de réfléchir.

jeudi 10 octobre 2013

Les réseaux et moi



J’ai fait, ces derniers temps, quelques incursions sur les réseaux sociaux. Je m’étais essayé à Facebook sans conviction il y a deux ans, notamment pour suivre mes garçons lorsqu’ils étaient à l’étranger et qu’on les voyait peu, mais j’avais vite interrompu l’expérience et d’ailleurs eux-mêmes se sont assez vite « défacebooquisés ». 

Cette fois j’ai mis le nez à la fois dans Facebook et dans Twitter. Je vais persister encore un peu pour voir si je m’y fais mais pour l’instant je suis plus que réservé.
A vrai dire j’ai créé un compte Twitter et réactivé mon ancien compte Facebook surtout parce que nous pensions que l’APA avait besoin de se mettre « à la page » et d’assurer une certaine présence sur les réseaux. Je voulais donc, avant de créer les comptes de l’association, essayer de comprendre un peu mieux comment ça marche et quelle pratique il faut avoir pour optimiser une présence. Les comptes APA ont été créés, quelques apaïstes volontaires se chargent de les alimenter de temps en temps mais tout ça démarre très, très lentement. Pour l’instant la complémentarité de cette présence sur les réseaux avec ce que nous mettons classiquement en ligne sur notre site ou nos blogs ne me parait pas évidente. L’intérêt bien sûr ce serait une diffusion plus large et dont on rêve toujours qu’elle puisse devenir virale mais pour ça il faudrait que nous soyons relayés, que nos amis qui réseautent prennent le temps de partager dans leurs propres réseaux plus vastes que les nôtres ce que nous publions mais on n’en est pas là. 

Quant à un usage personnel pour moi-même je reste encore plus dubitatif. Comment faire face à l’intensité des flux ? Tout se mêle, petites nouvelles, réactions à chaud, liens ouvrant des portes vers trente-six mille sujets.
Chéreau est mort et la mort encore jeune d’un artiste de son envergure attriste évidemment beaucoup d’entre nous et moi comme les autres, mais quel intérêt d’aller le dire si c’est juste pour le dire ? Autre chose, bien sûr, si c’est pour évoquer Chéreau au travers d’un ressenti plus intime, d’un souvenir plus personnel. Mais juste dire qu’on est triste, quel intérêt ? Faire acte de présence ? Montrer qu’on est réactif ? Eventuellement trouver une formule qui fera mouche plus que celle de son voisin ? Bref il n’y a pas forcément que des bonnes raisons. !
Quant aux liens que m’offrent mes « amis » ou les gens que je suis sur Twitter, l’explicitation du lien proposé est insuffisante (surtout sur Twitter avec ses 140 caractères) pour que je me rende compte si la page qui est derrière le lien m’intéressera vraiment. La syntaxe hachée de Twitter, accumulant liens, hashtags, conversations me déconcerte. Donc je fais défiler à toute vitesse. J’ouvre une porte de-ci de-là, je lis très vite, en diagonale. Je trouve ça fatigant et terriblement dispersant. Bien sûr, de temps en temps, il m’arrive d’accrocher un article ou de repérer un site dont je me dis « ah, ça, ce serait à approfondir » mais en vérité je ne le fais pas. J’ai tout de même noté lors de mon dernier passage une présentation commentée par le labo de la Bnf de l’exposition sur la littérature numérique avec une séance pendant que je serai à Paris où je vais tâcher d’aller. Je le reconnais cette info ne serait sans doute pas venue à moi si je ne l’avais pas vue sur Twitter.
Ce qui est en cause plus fondamentalement, c’est qu’il y a tant de choses intéressantes et que l’on ne peut en vérité s’intéresser à tout. Au fond ça crée chez moi un peu le même type de frustration que lorsque j’allais au Salon du Livre, juste en promeneur, sans l’idée précise d’aller y voir tel éditeur particulier ou d’assister à telle conférence précise : l’abondance me donnait le tournis et créait la frustration.
En plus il se trouve que certains réseauteurs sont vraiment envahissants. Certains devraient s’astreindre à publier moins. L’amie Gilda par exemple, vieille relation de blogosphère, est une véritable mitraillette et je crois que je vais l’écarter en tant qu’« amie » facebookienne. Mais il y a ce côté affectif de Facebook qui fait que barrer quelqu’un est forcément perçu comme le rejeter, alors que je considère toujours Gilda comme quelqu'un qui a souvent des choses intéressantes à dire, qui est par ailleurs tout à fait sympathique, mais franchement je préfère continuer à la lire sur son blog dont les mises à jour viennent gentiment s’afficher dans mon agrégateur.
J’ai déjà ce sentiment de surabondance alors même que j’ai très peu d’amis sur Facebook et que j’ai choisi de suivre très peu de gens sur Twitter. Mais comment font donc pour gérer tout ça ceux qui ont des réseaux de grande ampleur ? J’imagine que cela passe par un temps de connexion intensif, notamment par le biais des tablettes et téléphone et par une réactivité à tout crin, par une capacité à être multi-tâches que je n’ai pas et dont au demeurant je n’ai pas envie. Pour moi la connexion est un plaisir dès lors qu’elle est strictement bornée dans le temps, qu’elle ne m’empêche pas trop souvent d’être dans la réelle présence de l’instant que je vis ou dans le silence avec moi-même. Mais peut-être que de ce point de vue je suis vraiment du siècle passé et que d’autres ont développé des capacités et des formes de présence au monde quasi ubiquistes que je n’ai pas.

Évidemment, outre la réception de l’information des autres, il y a la promotion que permettent les réseaux de ce que l’on fait soi, transmission de nos découvertes et coups de cœur ou mises en avant de textes que l’on a écrit. Bien sûr ça m’a fait plaisir de savoir que certaines personnes sont venues sur ce blog suite à l’annonce que j’avais faite sur les réseaux de la parution d’un article et d’autant plus qu’elles m’ont renvoyé une appréciation positive de mon blog. Mais ai-je tant que ça envie d’être lu au-delà de mon petit cercle de fidèles, blogueurs ou anciens blogueurs (lequel a dû d’ailleurs sérieusement s’étioler depuis que ma pratique est bien moins active de même que la leur). En vérité j’aimerai être lu largement sur certains billets, beaucoup moins sur d’autres. Vieux paradoxe du blogueur, envie de s’exprimer au plus près de soi même, envie d’être lu et en même temps réserve à l’être par des publics de cercles trop diversifiés, spécialement lorsqu’on se sent des envies de s’aventurer vers des réflexions plus intimes. Une mise en avant du blog à travers les réseaux sociaux réactive forcément ce genre de paradoxe et d’autant plus si l’on cherche à élargir ce réseau social.

Pour l’instant il est clair que je n’ai pas encore trouvé le bon usage des réseaux, enfin mon bon usage, et donc j’oscille, un jour j’y vais faire un tour et un jour je n’en ai pas la moindre envie. Allez, je m’en va de ce pas poster mon article et l’annoncer dans la foulée sur Facebook et Twitter, histoire de bien agiter le paradoxe !

vendredi 4 octobre 2013

Un journal



La longue période de temps beau et chaud qui s’est prolongé presque sans interruption pendant tout le mois de septembre semble s’achever.
Nous sommes montés au lac mercredi. Beau ciel secoué. L’autan qui s’est levé. Le mugissement du vent dans les pins qui bordent le lac. L’impression presque d’être à la mer. Presque personne sur la plage durant la petite heure où nous sommes restés, quelques promeneurs en bordure, deux planchistes profitant du vent. Le bruit et le souffle soûlent un peu. Pas question de lire. Juste regarder, ressentir, sentir encore la force du soleil sur la peau mais le vent atténue sérieusement la sensation de chaleur. Je suis seul à me baigner, D. renonce. Ça secoue un peu, ça tire à hue et à dia, je me prends dans le nez les petites vaguelettes pointues qui courent sur le lac, mais comme toujours il y a cette impression si apaisante que procure au corps l’immersion dans l’eau et la nage, le paysage qui danse devant mes yeux, la montagne et la forêt, les nuages en mouvement, un couple de canards au vol bas qui passe à deux mètres devant moi, tout cela ressenti avec d’autant plus de force que c’est sûrement une des dernières, voire la dernière baignade de l’année.

Hier c’était le vent d’autan en tempête. Pendant la nuit ça a secoué sérieusement, ce que nous ressentons d’autant plus que les chambres, situés plein est, prennent le vent de plein fouet. Je me suis réveillé à plusieurs reprises, j’ai dû mettre des tampons d’oreille et j’ai eu bien du mal à me rendormir. Mais il y aussi une certaine jouissance à se sentir à l’abri dans la maison bien close, toute secouée de vent. Sorties minimales hier et aujourd'hui. Cet après-midi le vent a lâché prise et du coup, la pluie qui jusque là ne s’était manifestée que par de brèves mais violentes averses orageuses semble s’installer.

Du coup je me suis plongé très longuement au cours de ces deux jours dans la lecture du journal d’Henri-Jacques Dupuy. C’est un journal fleuve tenu entre 1938 et 1976 par un journaliste, musicien et poète aux talents multiples mais à la vie passablement compliquée et perturbée. Enfin certaines parties d’un journal fleuve : ont été retrouvés et transcrits 32 cahiers de 50 à 150 pages, sur plus de 120 qui ont été écrits ! Cet ensemble a été déposé à l’APA par la fille d’Henri-Jacques avec quantité d’éléments annexes et nous préparons une présentation publique de ce journal pour le 30 novembre à Paris. Je ferai des lectures d’extraits et donc je navigue dans l’océan de ces pages, à la fois pour mieux saisir le personnage et pour repérer des « bonnes feuilles » à lire au public. Plaisir de la lecture, comme dans tout journal, plaisir à découvrir quelqu’un dans sa vérité la moins apprêtée, avec ses côtés attachants et avec ses névroses, dans ses évolutions entre jeunesse, maturité et vieillesse, dans ses obsessions aussi et ses répétitivités, inévitables dans tout journal (alors il faut savoir lire de façon un peu diagonale). Au-delà de la personne même de Dupuy il y a aussi quantité d’éléments documentaires intéressants sur la vie en Algérie pendant la guerre, sur le militantisme au PC après la libération, sur le climat culturel de l’après-guerre à Paris, sur des amis ou relations de Dupuy, spécialement Soupault (sur lequel il a écrit un livre) ou Char. 

J’avais déjà lu quelques cahiers à petites doses à tel moment ou tel autre depuis que je sais que je vais faire cette intervention. Mais une plongée un peu intensive comme je l’ai fait là est nécessaire aussi pour vraiment entrer dans le personnage. En même temps point trop n’en faut et là je vais m’en abstraire pour y revenir ensuite à nouveau à plus petites doses. Il y a quelque chose d’assez étouffant et déprimant à la lecture de longs journaux intimes, tenus sur le long terme. Forcément on y assiste au vieillissement de la personne, au ressenti du temps passé et qui ne revient plus, à l’inévitable dégradation. Et c’est ici spécialement sensible chez quelqu’un qui n’est jamais parvenu à sortir de ses difficultés et dont la vie est de plus en plus pathétique à mesure qu’il vieillit. Et bien sûr tout ça interpelle forcément toute personne qui tient journal et qui ne peut manquer de s’interroger sur le sens de tant d’heures passées à consigner sa vie. Avec en filigrane la question de comment et quand finir. Peur de tomber dans le pathétique ou alors dans la mise en scène trop écrite, la belle sortie. Je suis toujours un peu mal à l’aise, face à des journaux des derniers jours, comme chez Green ou Gide, par exemple, les espérances religieuses ou le stoïcisme dont ils se teintent me paraissent forcément un peu  jouées. Tout cela fait écho aussi aux réflexions et exemples intéressants donnés par Philippe Lejeune sur la fin des journaux dans son dernier bouquin Autogenèses que j’ai terminé il y a peu.