Pages

mercredi 22 mai 2013

Avant départ



Finalement mes réflexions et ma décision concernant ce blog, ce sera pour un peu plus tard. Je suis de nouveau sur le départ, cette fois vers le sud-est pour une dizaine de jours. Etape dans les Cévennes puis Aix-en-Provence, où je participerai aux Journées annuelles de l’APA, consacrées cette année au thème masculin/féminin, deux jours ensuite chez des amis dans la vallée de la Cèze avant de se poser chez d’autres amis à Sète puis au cap d’Agde. 

J’ai été encore pendant toute la dernière semaine très accaparé par mes activités pour l’APA, un peu trop. Il faut que je mette la pédale douce, au risque sinon que ce qui doit être seulement un plaisir et un enrichissement se charge du poids qu’avait en son temps le travail professionnel. Mais ça devrait aller mieux ensuite, là il y a pas mal de tâches diverses qui se sont bousculées, certaines pour lesquelles d’autres devraient prendre le relais ensuite.
D’abord j’ai réalisé, avec ma complice pour ce travail, la mise en page du prochain numéro de la revue de l’association, à paraître en juin et qui portera sur Cinéma et autobiographie. Ça y est, ça part chez l’imprimeur, ouf, on maîtrise de mieux en mieux mais ce n’est pas encore une rapidité de pro et, avec le va et vient des corrections, ça nous prend toujours plus de temps que ce à quoi on s’attend. J’ai beaucoup travaillé aussi autour de la réalisation d’une nouvelle page d’accueil pour notre site, ainsi qu’à la mise en place d’une présence de l’association sur les réseaux sociaux. Ça aussi c’est presque terminé, quelques bricoles à revoir en concertation avec les autres animateurs de l’APA avant de rendre tout ceci opérationnel et mis en ligne pour le public.
Et puis, par ailleurs, je me suis enfin vraiment lancé dans la lecture de l’immense journal d’H. J. Dupuy, 32 volumes dactylographiés, comportant chacun de 50 à 150 pages, retranscrits et déposés à l’APA par sa fille Sylvette. Je ferai une présentation publique de cet extraordinaire journal à Paris fin novembre et je fais justement étape sur mon chemin dans la maison cévenole de Sylvette pour commencer à préparer cette intervention avec elle. Je n’ai avalé que cinq volumes, j’en suis encore aux années de jeunesse d’un jeune homme qui cherche sa voie dans l’Algérie des premières années de la seconde guerre mondiale. Bien sûr c’est long et il m’arrive de lire certaines pages un peu en diagonale, notamment de nombreuses notes de lecture ou récits de rêves mais, dans l’ensemble, je n’ai aucun ennui dans ma lecture, c’est écrit avec vivacité, certains portraits, tableautins, récits, poèmes ou correspondances annexées révélant un vrai talent de plume. Il y a quelquechose d’assez émouvant à entrer en épaisseur dans la formation d’une personnalité attachante, à suivre ses interrogations existentielles et ses soubresauts sentimentaux et amoureux. Et par ricochet il donne aussi beaucoup à voir de la société dans laquelle il vit, des réactions diverses face à la guerre, de l’évolution des consciences. Lire un bon journal, y prendre intérêt et plaisir, c’est aussi pour qui tient journal se dire que ce n’est pas une activité totalement vaine et purement narcissique, qu’elle peut faire écho chez d’autres, au-delà du passage du temps.

Le froid et le mauvais temps commencent à nous peser sérieusement. Cela fait sans doute la joie de l’ami Nuages, mais moi, j’en ai marre. Pour ma part, j’aime que les saisons soient les saisons, chacune pleinement elle-même (sauf la canicule que je supporte mal). Là le printemps s’est manifesté certes par quelques journées douces et plaisantes, par la poussée bien engagée des verdures et floraisons, mais le froid et la pluie persistent trop souvent. On avait coupé le chauffage, on ne l’a pas remis mais on a hésité tant il fait frais dans la maison. Alors on ne manque pas, au moment des repas le midi et le soir, dans la cuisine au rez de chaussée, seule pièce dans laquelle nous avons une cheminée qui marche, à faire de bonnes flambées. Et là je suis plus que content de me mettre en route vers des coins où, si la météo dit vrai, le temps devrait la semaine à venir, être, quoique frais, nettement plus soleilleux qu’ici…

mercredi 15 mai 2013

Retours



Retour à Paris où j’ai passé une dizaine de jours autour du premier mai. Impression confirmée de ne plus me sentir de là-bas. Sensation d’y étouffer. La foule, les odeurs, les bagnoles, le clinquant des magasins et en, contrepoint, les gens qui font la manche, tout ça m’est pénible. Je souriais avec une pointe de condescendance face aux amis provinciaux en goguette parisienne lorsqu’ils me tenaient ce genre de discours et voici que je tiens les mêmes ! La conversion n’a pas traîné. Par exemple je me suis incroyablement déshabitué du métro que j’ai pourtant tant pratiqué sans m’en sentir plus gêné que ça, il me parait désormais un éprouvant étouffoir et un lieu foncièrement inhumain même si bien sûr je l’emprunte toujours. Bon, j’ai profité de mon lot de consommation culturelle avec plaisir, plusieurs bons films, plusieurs expos, j’ai apprécié, spécialement l’exposition sur la peinture allemande au Louvre qu’il était passionnant de faire dialoguer en soi avec celle sur l’Ange du Bizarre à Orsay. Et puis aussi de quelques rencontres amicales qui me tenaient à cœur. Mais je me sentais vraiment en voyage, plus chez moi.

Retour ici. Temps très occupé par la présence d’amis profitant du viaduc du huit/douze mai et aussi très encombré, trop, de tâches auxquelles je me suis engagé pour l’APA, mise en page de la revue et restructuration en cours du site internet de l’association, il faut que je contrôle mon engagement pour qu’il reste un plaisir, là je frôle la saturation et n’ai guère eu le loisir de m’occuper d’autres projets qui me tiennent à cœur. Balades tout de même bien sûr et plaisir notamment de faire découvrir à nos amis quelques uns des endroits les plus beaux du coin. Plaisir de l’air léger, tellement en contraste avec celui de Paris, plaisir du jardin aussi, des floraisons qui se succèdent, ouverture, épanouissement, déclin, cela donne une épaisseur au temps et aux saisons. Les lilas sont finis et déjà nous en avons taillé les buissons, les clochettes des muguets, si dressées, si blanches et brillantes il y a quelques jours, se sont affaissées et ternies, la glycine qui sentait fort sous notre fenêtre a perdu toutes ses fleurs au dernier coup de vent, mais une nouvelle série d’iris s’est ouverte succédant à d’autres plus précoces, la tonnelle qui était nue s’est couverte du vert tendre de la vigne vierge, les roses éclosent à grande vitesse. Surtout nos plantations de l’automne laissent entrevoir les fruits à venir, fleurs sur les framboisiers, micro-grappe qui commencent à apparaître sur les pieds de vigne et dont chaque jour on scrute l’évolution. Tout cela qui est sans doute fort banal est une découverte pour moi, les saisons qui passent ce n’est pas juste, il fait plus chaud ou il fait plus froid, tiens, les arbres reverdissent ou, tiens, les feuilles tombent, non, le basculement des saisons est fait de toute une série de mini basculements successifs que l’on ne perçoit pas aussi bien dans la grande ville (ou auxquels on n’est pas attentif) et c’est une jouissance de s’en pénétrer.

Retour au blog. Il était presque déserté, encore une fois quasiment oublié. Mais l’envie tout de même de poser des mots m’a quelquefois traversée. J’ai laissé passer. Sauf aujourd'hui. Plaisir simple à écrire ces quelques lignes. Mais conviction aussi que l’outil que je me suis donné avec ce nouveau blog, l’esprit dans lequel je croyais vouloir le tenir au moment où je l’ai créé, ne correspond pas à mes envies et besoins réels. Mais je reviendrai là-dessus. L’anniversaire de première année, déjà passé d’ailleurs, pourrait être une bonne occasion de faire le point et de prendre peut-être encore une autre direction.

mercredi 1 mai 2013

Le mort, le demi-mort et le vif...



Mon père a récemment séjourné chez nous pendant une quinzaine de jours. Cela faisait plus d’un an qu’il n’était pas venu. Il avait vu déjà la maison rénovée, une fois les gros travaux effectués, mais il ne connaissait pas encore le lieu réinvesti par nous, où nos propres meubles, déménagés en novembre, viennent compléter ce qui restait de l’époque de mes grands-parents, ajoutant ainsi une couche de vie plus contemporaine aux strates anciennes de la maison. Il est content de savoir que cette maison que, pendant un temps, il avait été question de vendre, parce que trop grande, trop couteuse, nécessitant trop de travaux, trop éloignée des lieux où nous vivions, soit finalement réinvestie par nous, liant ainsi notre génération à celle de ses propres parents. Lui-même, malgré l’accent rocailleux qu’il garde toujours, est devenu plus parisien qu’un parisien et n’a jamais envisagé de quitter la capitale. Cette maison n’est pas pour lui une maison d’enfance, mes grands-parents l’avaient acquise au moment de leur retraite, alors que lui-même travaillait et vivait depuis vingt ans à Paris. Mais il est très heureux de pouvoir venir y faire des séjours maintenant qu’elle est redevenue confortable et habitée, de retrouver à cette occasion dans la région environnante les lieux et les paysages, voire certaines personnes, de son enfance et de son adolescence.

Mais les personnes, hélas, se font rares. Nous avons tenté de rendre visite à sa cousine castraise, avec qui il avait partagé beaucoup de choses enfant, qu’il avait vue régulièrement ensuite, puis bien plus rarement après le décès de mes grands parents pendant la longue période où ni lui, ni nous ne venions souvent dans la région. Il est parvenu, non sans mal, à la joindre au téléphone mais elle n’a pas voulu que nous passions la voir, se disant trop vieille, trop fatiguée. Elle reste toute la journée enfermée dans sa grande maison de la banlieue castraise, son fils passe la voir chaque jour, lui porte les courses, va déjeuner chez elle le dimanche, la sort parfois presque de force. Mon père n’a trop rien dit mais je l’ai senti affecté tout de même de cette rebuffade. Peut-être aurions nous dû forcer un peu la porte, peut-être que la visite aurait fait plaisir en définitive à la vieille cousine mais elle semblait si péremptoire que l’on n’a pas osé.

Un jour aussi nous avons fait la tournée des cimetières et, de cette journée là, mon père s’est dit très heureux et nous aussi finalement, qui d’abord avions craint un peu le côté pèlerinage de l’affaire. Nous nous sommes rendus dans la petite ville du Tarn, à une soixantaine de kilomètres de chez nous, dont était originaire sa mère et où ses deux parents sont enterrés. Enfant il passait une partie de son été chez ses grands-parents maternels dans une maison sur la place centrale donnant sur des couverts, comme celle que nous habitons désormais (cela a dû compter pour ma grand-mère de retrouver une maison qui lui rappelait sa propre enfance). La maison n’a plus l’air habitée et paraît très dégradée mais mon père nous a raconté toutes sortes de souvenirs qu’elle lui évoquait. Nous avons refleuri la tombe familiale, cela lui a fait plaisir. Ensuite nous avons emprunté la petite route à travers les collines qu’il prenait lui-même en vélo lorsqu’il était adolescent pour rejoindre l’autre lieu familial, celui de ses grands parents paternels. La maison ici appartient toujours à ma cousine de Castres et à ses enfants mais elle n’y vit pas et n’y vient plus. Cette maison ci, je l’ai connu vivante, j’y venais avec mes parents et grands-parents dans les années 50 et 60, à chaque vacance nous passions une fois pour voir mes grands-tantes et mon arrière-grand-père, nous ne restions pas, nous faisions l’aller et retour entre Toulouse et ici dans la journée, je jouais avec des cousins et cousines de mon âge, tous plus ou moins perdus de vue depuis. Puis je n’y suis plus revenu, après la mort de mes grands-parents, sauf une seule fois au tout début des années 2000 ou, passant dans la région, j’avais fait avec D. une brève visite à ma grand-tante alors nonagénaire déjà avancée. Passant lentement dans le village nous avons vu que la maison paraissait ouverte. Mon père nous a fait nous arrêter et nous sommes allés frapper à la porte. Une vieille dame nous a ouvert. C’était M., l’ancienne domestique de ma grand-tante, qui entretient la maison et qui en fait y habite. Elle a reconnu mon père, ils étaient heureux de se voir, ils ont échangé des souvenirs. Nous avons fait le tour du rez-de-chaussée. L’espace, les pièces me paraissaient plus petites mais sinon tout me semblait strictement pareil à mon souvenir, comme figé dans le passé, rien, absolument rien dans la décoration n’a été changé depuis le décès de ma grand-tante il y a plus de dix ans, que ce soit le mobilier ou les photos au mur. Rien notamment qui soit personnel à M. qui pourtant est la seule occupante, sauf sa chambre sans doute mais, bien sûr, nous n’avons pas été la voir. Cela fait frémir l’idée de cette personne qui est là en permanence, qui ne s’autorise rien, sinon éliminer les poussières, comme un objet parmi les objets. Et cette espèce de suspens du temps, comme de la mort au sein de la vie ! Le cabinet de consultation de mon grand-oncle, qui était le médecin du village, en particulier est resté absolument identique à ce qu’il était au moment de son décès, la disposition du bureau et des sièges, la table d’examen et les instruments, le calendrier de l’année, les livres dans la bibliothèque et les revues médicales. Il est tout de même décédé en 1967 ! Quelques semaines avant le centenaire de mon arrière grand-père qui en a été tout marri, le pauvre homme, le décès de son gendre le privant des festivités prévues. Après cette visite imprévue nous nous sommes rendus au cimetière, avons été faire un bref salut à l’autre caveau familial puis avons repris la route. 

La campagne était toute chargée de printemps, entre soleil et nuages. Belle lumière du soir sur le mouvement harmonieux des collines, variété des verts, des plus tendres aux plus soutenus selon les essences des arbres, premières explosions florales d’un printemps jusque là très bridé par la persistance du froid et de l’humidité… Dans la voiture, les souvenirs et les récits de mon père, ce que lui rappelle telle maison aperçue au loin, tel village traversé… Tout cela se mêle, les évocations des morts et du passé et ce vivant que nous sentons en nous, que magnifie la poussée du vivant au-dehors. Oui il y avait beaucoup de vie dans ces moments, j’ai perçu que c’était aussi ce que ressentait mon père et cela me faisait infiniment plaisir et marquait cette journée d’une pierre blanche, pour moi aussi et dans le souvenir que j’en garderai…