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jeudi 21 mars 2013

Dans le tourbillon parisien



Me voici à Paris depuis presque une semaine.
Mais c’est un vrai tourbillon qui jusqu’à présent ne m’a guère laissé le temps de me poser. J’ai eu beaucoup d’activités associatives, l’assemblée générale annuelle, le conseil d’administration, diverses réunions techniques, une interview que j’ai donné à un étudiant travaillant sur la dépossession (ou pas) que représente le fait de donner des textes intimes à l’APA. Nous avons réuni aussi une intéressante table-ronde publique sur cinéma et autobiographie, je me tâtais d’en rendre compte ici mais j’ai un peu la flemme, d’autres le feront peut-être. A cela ce sont ajoutées diverses courses obligées, plusieurs rencontres familiales et amicales, des rendez-vous à la banque et chez le notaire en lien avec notre nouvelle organisation de vie maintenant que nous sommes provinciaux. 

Du coup je n’ai guère encore profité de Paris en tant que tel, pas de balade ni de musardage au long des rues, pas d’exposition, je n’ai pas même pas pu profiter du Printemps du cinéma et de ses places à tarif plus que réduit pour me faire une orgie de salles obscures. J’ai eu seulement le temps d’aller voir Django unchained et vraiment je ne regrette pas. Quelle puissance cinématographique chez Tarantino. C’est du grand cinéma américain, cette puissance du récit et de la mise en image, avec ce souffle particulier qu’on ne trouve pas, même dans les plus ambitieuses productions hexagonales, cet espèce de lyrisme de la mise en scène, comme si celle-ci était portée, au-delà du talent des réalisateurs et de la puissance financière d’Hollywood, par les grands espaces américains. C’est cette même puissance que j’ai ressenti récemment dans Gangs of New-York, aussi dissemblables soient les réalisateurs et leur propos. Bien sûr on n’est pas ici dans l’émotion telle qu’on peut la ressentir face à certains films plus modestes mais qui nous parlent de façon plus intime, qui nous renvoient à des éléments ou des questionnements de nos propres vies. Pas d’identification possible ici mais quel pur plaisir de spectacle. S’y ajoute une écriture brillante, des dialogues denses et savoureux et portés par d’excellents acteurs (j’ai bien fait de résister à aller le voir dans ma campagne où il était donné en VF), une façon réjouissante de jouer avec les codes des genres cinématographiques, particulièrement ici avec ceux du western, ce qui met à distance, rajoute une dimension ludique à ce qui sinon pourrait paraître un peu lourd. Le film me parait cependant un peu long, les scènes à partir de la rencontre avec Di Caprio auraient pu être raccourcies d’un bon quart d’heure, voire d’une petite demi heure, il y là a une sérieuse baisse de régime avec des scènes trop appuyées, mais le final, lorsque Django se libère de ses geôliers et revient à la propriété est au contraire formidablement enlevé.

Cela dit maintenant une bonne partie de mes activités contraintes est derrière moi. Dans les jours qui viennent, armé de mon Pariscope, je vais essayer de me faire une bonne ventrée de cinés et sorties parisiennes diverses. D. est partie voir sa mère en lointaine banlieue jusqu’à samedi, moi j’ai décliné et suis content de pouvoir profiter de ce petit temps pour moi seul avant un nouveau moment famille dimanche soir, mais celui-ci très apprécié, pour fêter l’anniversaire des fistons.

jeudi 14 mars 2013

Les rêves se suivent et ne se ressemblent pas...



C’est drôle je suis à nouveau dans une phase où je me souviens beaucoup de mes rêves ou du moins je me souviens au réveil que j’ai rêvé et m’en sens marqué au moment d’entrer dans ma journée.

Je suis dans une sorte de congrès. Je partage ma chambre avec une jeune femme. Nous nous caressons mollement mais nous sommes dans l’incapacité de parler ensemble, d’évoquer ce qui constitue notre relation et cela me pèse terriblement. C’est un congrès d’universitaires, les gens forment des tandems pour préparer des prestations à deux, articles ou conférences, mais je ne suis associé à rien, je regarde, je me sens extérieur, j’ai l’impression même d’être transparent, que l’on ne me voit pas. Par la fenêtre j’aperçois la jeune fille qui partageait ma chambre, c’est vraiment une gamine, elle joue et chahute avec d’autres ados, je sors à mon tour, il n’y a plus personne, juste une campagne triste sur laquelle il se met à pleuvoir…

Je suis déjà retraité mais je retourne au bureau, je me préoccupe du rapport annuel d’activité, je me dis avec anxiété que je dois le faire tout en sachant que ce n’est pas à moi en vérité de le faire et qu’au demeurant je n’en ai pas les éléments. J’ouvre un tiroir, qui est une sorte de tiroir secret, auquel mon successeur n’aurait pas eu accès, il est rempli de clés, dont je dois me débarrasser et ce faisant j’ai le sentiment d’accomplir un geste qui me sépare de l’étape antérieure de ma vie, d’une façon nouvelle, cette fois, radicale, irrémédiable…

Dans ces rêves, le premier il y a deux nuit, le second la nuit dernière, pas d’images fortes, de succession saillantes et nettes d’évènements, juste des bribes floues que je rattrape au vol et que j’écris sans les visualiser vraiment, contrairement à ce qui avait été le cas pour le rêve évoqué dans le précédent billet. Mais de ces deux rêves mous, il me reste au réveil une persistante sensation de mal-être, un sale goût dans la bouche, l’impression si forte d’en être, non dans le rêve mais dans la vérité du matin qui s’ouvre, au temps des portes fermées, de la spirale descendante de la vie.
Il y a une sorte de paradoxe. Le rêve de mon précédent billet était violent, il se terminait de façon proprement cauchemardesque, lorsque je me retrouvais accroché au dos d’une vieille sorcière, secoué dans des trous d’air et pourtant je m’en éveillais dans une sorte d’allégresse. Comme si le plaisir pris à la découverte de la création onirique, la vivacité de l’imaginaire qu’elle révèle, la puissance des images, en gommait les soubassements effrayants. Alors que dans ceux-ci, plus ternes et dont les images sont parvenues difficilement à ma conscience, toute la place est restée à l’état d’esprit sous-jacent.

dimanche 10 mars 2013

Rêve



Je suis dans une sorte d’usine, à moins que ce ne soit plutôt la grande cantine de cette usine. Devant moi une file de femmes, des cantinières, chacune à son tour lance avec force au loin un objet, une assiette, un verre, qui doit tomber dans un réceptacle derrière moi, je me dis que c’est une drôle de façon de débarrasser, pas vraiment rationnelle, chaque femme n’envoie qu’un seul objet puis reprend la file jusqu’à revenir pour relancer un autre objet. Il y a soudain une pause, deux des femmes, jeunes et jolies, se sont dégagées de la file et ont glissé leur main sous leur jupe haut remontée, elles se caressent en disant qu’elles ont besoin de cette détente, car leur travail est épuisant, source d’une terrible tension nerveuse. Il y a, en plus de moi, deux autres hommes qui les regardent, elles disent en nous souriant qu’elles nous prendront les zizis aussi (c’était l’expression employée, telle quelle, un peu enfantine) mais finalement elles n’en font rien et réintègrent la file.
Je m’éloigne un peu dépité, je chemine dans une immense caverne qui est le prolongement de cette cantine, il y a des groupes ici ou là, ça à l’air d’être comme un moment de pause après le repas, je m’approche d’un jeune homme et d’une jeune femme qui sont contre la paroi, ils jouent à un jeu électronique de première génération, style pachman ou tennis, l’écran est la paroi même de la caverne.
Passe un groupe concentré. J’y reconnais plusieurs leaders du groupe d’extrême gauche dont j’ai fait partie jeune homme, il y a notamment Bernard S. et Michel F., ils semblent très concentrés, préoccupés, ils se tiennent tous par le bras, je m’approche, essaie de m’immiscer mais en vain, ils n’ont pas l’air de me voir, je me sens exclu, en me penchant vers eux j’arrive tout de même à saisir des bribes de conversation, ils parlent d’un affrontement violent qui vient de se produire entre deux militants, il allait y avoir mort d’homme, heureusement ils se sont arrêtés à temps lorsqu’ils se sont aperçus qu’ils appartenaient tous les deux à l’organisation.
Je suis sorti de la caverne. Je chemine sur la crête d’une haute colline, la ville que je dois rejoindre est en dessous dans la plaine. Sur le rebord se pose une femme avec de grandes ailes qui me propose de me descendre vers la ville, elle a un visage avenant mais qui se transforme à vue d’œil, vieillit, prend l’aspect d’un visage de sorcière, pourtant j’accepte son invitation, monte sur son dos, nous tournoyons dans le ciel, la ville s’approche et s’éloigne, j’ai juste devant les yeux son crâne dégarni, effrayant, nos déplacements sont de plus en plus violents, comme s’il y avait des trous d’air ou des colonnes aspirantes qui nous font brutalement descendre puis remonter et mon angoisse croît.

Là dessus je me suis réveillé et me suis empressé de noter ces images pour les retenir, toujours fasciné par l’imaginaire qui se déploie dans les rêves. Comme souvent ces rêves dont je me souviens sont ceux de fin de nuit, après m’être réveillé très tôt, au moment d’un bref rendormissement voire d’un simple assoupissement matinal.
Plaisir des rêves. J’aimerais que mon imagination soit aussi débridée lorsqu’il m’arrive d’avoir envie d’inventer des histoires.

mardi 5 mars 2013

Le vent



Le vent, le fameux et terrible vent d’Autan, s’est mis de la partie depuis hier et devrait persister quelques jours, cependant en s’atténuant progressivement dès demain. Je l’avais un peu oublié celui-là ! C’est la seule plaie météorologique de l’endroit, au point que lorsque, avec D., nous avons commencé à envisager de venir nous installer ici, c’était un des éléments qui la faisait hésiter. Mais fort heureusement il ne souffle pas très souvent. Depuis notre arrivée à l’automne, il ne s’était quasiment pas manifesté, sinon par quelques très brèves poussées qui ne comptent pas. Ce qui porte sur les nerfs c’est la persistance. Là on y est, depuis deux jours il est fort et continu, avec en plus beaucoup de rafales violentes, autour de 100/110 km/heures. Je ne connais pas trop la météorologie saisonnière du coin mais je pense que ses épisodes durables sont plus des phénomènes de printemps ou d’été que d’hiver et nous y voici.
C’est l’arrière de la maison, tourné vers l’est, là où nous avons les chambres qui est le plus exposé. Il nous faut alors garder les volets fermés (on dit contrevents ici, ce n’est pas par hasard), car les petits crochets qui les maintiennent ouverts, ne suffisent pas à les retenir, après une bourrasque violente, ils peuvent se mettre à claquer, faisant un boucan épouvantable. Mais même avec cette précaution, cette nuit j’ai été réveillé, simplement par le mugissement entre les branches des arbres, par les craquements des volets et les vibrations des vitres, par les courants d’air même qui parviennent à sa faufiler jusque dans la maison, malgré les volets fermés, malgré les fenêtres closes. J’ai cru cette nuit d’ailleurs que la fenêtre, qui est juste à la tête de mon lit, s’était ouverte tant je sentais le fil de l’air sur mon visage. Mais non, c’était juste le courant d’air passant par les interstices. Pas très bien isolé tout ça, mais je suis attaché à ces grandes vieilles fenêtres traditionnelles en bois et je ne voudrais certainement pas en changer, même si j’en avais les moyens.
J’aime bien les épisodes météorologiques un peu spectaculaires. Marcher un moment dans le grand vent, dans les sifflements et le vacarme des bourrasques, c’est assez plaisant. On ressent son corps, qui est obligé de réagir et de lutter, comme profondément vivant. S’arcbouter contre les rafales lorsque celles-ci nous stoppent net, se sentir un peu tendu à voir tout ce qui tourbillonne dans le vent en se disant qu’il ne faudrait pas que de plus grosses branches soient cassées et qu’on se les prennent au coin du nez, c’est assez jouissif en fait. J’aime ces rappels de la puissance de la nature, mon corps secoué est, au final, comme régénéré par la confrontation aux éléments. Mais à condition que ça ne dure pas trop. La première sortie est amusante, la seconde moins et on finit ensuite, sauf obligation, par rester calfeutré dans la maison, ce qui devient vite pesant, étouffant, d’autant plus que même si on est au chaud et à l’abri, le vacarme lui ne s’apaise pas et les craquements continuels, les vibrations, le souffle et les mugissements finissent à la longue par porter sur les nerfs.

A part ça, pour la première fois depuis que je suis ici je ressens comme un manque. Va-t-il avec cette météo pesante ? Pas vraiment car ce manque a commencé de me peser insidieusement, d’abord sans que j’en ai vraiment conscience, depuis une quinzaine de jours je pense, donc bien avant cet épisode venteux. Rien n’a changé pourtant. Nous sommes encore occupés de diverses tâches d’aménagement. Nous nous ébahissons toujours du bien-vivre provincial. Nous découvrons toujours, quasiment chaque après-midi, des coins de la région que nous ne connaissions pas encore ou pas en tout cas dans cette lumière et végétation d’hiver. Bref, on ne s’ennuie pas. Les jours filent, plus vite qu’on ne souhaiterait. N’empêche. Mes fréquentations « sur le pouce » de salles obscures ou d’expositions, juste sur l’impulsion du moment, profitant de l’extraordinaire variété de ce qu’offre Paris, commencent à me manquer. Je vois dans mon journal ou dans Télérama ce qui sort, je lis des billets de blogs ici ou là, et je me dis : « Ah oui, ceci ou cela, j’aurais certainement eu envie de le voir, j’y serais allé ». Je sais, parfois j’étouffais de surconsommation culturelle, mais ici c’est un peu l’inverse qui menace. Non qu’il ne se passe rien, ainsi ai-je vu dans le cadre du ciné club de la ville le magnifique Gangs of New-York de Scorsese, un grand Scorsese, un chef d’œuvre, que j’avais d’ailleurs manqué lors de sa sortie, ainsi reverrais-je dimanche le tout aussi magnifique Incendies qui avait été un de mes films préférés l’année de sa sortie. Mais je piaffe un peu à l’idée de certaines nouveautés qui vont sans doute me passer sous le nez. Il est vrai que je n’ai pas été à Paris depuis presque deux mois maintenant, nous ne nous sommes pas non plus encore organisé pour aller au spectacle ou au cinéma à Toulouse, cela viendra, c’est juste une question d’équilibre par encore tout à fait trouvé. Je ne m’inquiète pas. Cela dit je serai à Paris pendant une quinzaine de jours dans la deuxième partie de mars, mon emploi du temps est déjà assez encombré de rendez-vous divers, de réunions, de rencontres amicales ou familiales, mais je gage que je trouverai le temps de faire aussi une bonne petite orgie de cinémas et d’expositions.