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mercredi 29 août 2012

Retour


Voilà, nous sommes rentrés à Paris hier soir.
Comme toujours paradoxe du départ. Une certaine difficulté, une certaine mélancolie à s’arracher, alors même pourtant que j’ai eu le sentiment pendant ce séjour de ne pas être autant à ma place que je l’aurais souhaité. Fantasme toujours du don d’ubiquité. On voudrait être ici sans cesser d’être là, comme parfois on rêve d’autres vies que la sienne.

Notre journée supplémentaire en Bretagne a été très plaisante. Nous avons été heureux d’accueillir nos amis et de leur faire les honneurs du lieu. Le temps est resté globalement couvert avec tout de même quelques jolis coups de lumière. Mais c’était assez adapté pour la longue marche que nous avons programmé pour leur montrer les deux versants de l’endroit, ce pays de « la mer dans les bois », une bonne douzaine de kilomètres, d’abord à travers bois et polder, un plaisant repas de poisson en terrasse à l’Ile-Tudy entre l’anse bien remplie par la marée haute et l’océan, puis le retour pieds nus sur le sable au long de l’orbe de la plage avec un bon dernier bain à mi chemin…

Je mets en ligne mes quelques pages bretonnes restées en attente, je fais le tour des blogamis, je m’aperçois au passage que mes pas ont dû quasiment se croiser avec ceux de Samantdi sur les mêmes plages, je pense à son chagrin, à sa vaillance pour y faire face et m’en sens d’autant plus honteux de certains de mes propres états d’âme, de mes trop fréquentes difficultés à jouir simplement de l’instant.

Allez, maintenant je m’attaque à la suite, après deux mois d’absence et trois semaines hors connexion, les paperasses à gérer, les gens à contacter et à voir, les taches à réaliser pour l’APA, les rendez-vous médicaux à prendre (faire un peu le tour du bonhomme, en général et puis spécifiquement, dos, yeux, dents !) et surtout, surtout, le plus long, le plus pesant (mais duquel il faudra aussi savoir tirer plaisir), commencer les rangements de fond et les tris préalables à notre basculement géographique (que faut-il jeter, que peut-on donner, que va-t-on garder, qu’est-ce qui restera ici et qu’est-ce qui partira là-bas ?). Et puis aussi, naturellement, profiter de Paris !


 Dernier coup d’œil à la mer, dans le soir tombant...

dimanche 26 août 2012

Bretagne, avant départ


Notre séjour s’achève. Demain retour à Paris. Aujourd'hui une belle journée semble s’annoncer, fraîche et lumineuse, ciel nettoyé après deux journées secouées par le vent et les averses violentes. J’écris un peu pendant que D. se prépare, puis balade à vélo au menu et cet après-midi dernière marche sur la plage et dernière baignade océane.

Je ne me suis pas toujours senti bien pendant ce séjour sans trop savoir pourquoi. Trop fréquemment un manque d’appétit à tout, un émoussement général de ma capacité d’enthousiasme. Il me fallait me secouer pour décider quoi faire de ma journée, choisir une activité ou une destination de promenade. Jamais les choses ne s’imposaient d’elle-même, dans la simplicité, dans la légèreté. Et je partais sans joie, sans conviction, comme blasé. Et il n’y a rien que je déteste plus que les gens blasés face à la beauté du monde !

J’ai eu l’impression d’être arrivé a quelquechose qui serait comme l’épuisement du lieu. On a passé ici le stade des découvertes. J’aime retrouver des lieux que j’ai connu, reparcourir des chemins, mais peut-être ici sommes nous venus trop souvent, trop régulièrement. Il faut harmonieusement mêler temps de ressourcement et d’imprégnation dans les lieux qui nous sont chers et temps d’exploration et de découverte d’autres qui nous sont inconnus.
La gêne physique a sans doute aussi eu sa part dans ce manque de tonus : le dos douloureux, une persistante raideur des membres et des articulations n’ont cessé de se rappeler à moi, les choses se sont peu à peu améliorée mais sans que je retrouve la souplesse et le délié tout à fait normal de mes gestes.
Et puis peut-être que les préoccupations liées à mon futur basculement vers la province ont joué aussi : j’ai l’impression d’avoir mille choses à faire à Paris pour préparer ce départ et du coup de me sentir ici comme en suspension.

Le manque d’énergie s’est appliqué à tout. Je voulais écrire. Je n’y suis guère parvenu. J’ai eu un mal fou à me mettre aux articles que je devais envoyer pour le prochain numéro de La Faute à Rousseau. Madame de Warens m’a spécialement donné du fil à retordre. Puis, quand j’ai été lancé, comme souvent c’est venu plus facilement et j’ai écrit très vite dans la foulée mes deux autres articles. Mais pourquoi cette difficulté à démarrer ? J’ai écrit quelques textes plus personnels aussi, autres que ces quelques pages de recension vacancière, des textes qui n’ont pas leur place ici mais je les ai écrit, non dans le plaisir, mais dans les doutes, les interrogations récurrentes.

La déconnexion forcée m’a aussi finalement pesée. J’ai été me connecter une ou deux fois dans un café et sur un trottoir au pied d’une maison amie dont les propriétaires nous ont donné le code de leur wifi, mais quel inconfort. J’ai juste regardé mes mails, envoyé deux trois courriers. Je ne me suis pas senti en état de suffisante disponibilité pour aller sur mon blog ou sur ceux des autres. La déconnexion totale ça peut être bien lorsqu’on totalement happé par autre chose, voyage lointain, randonnée itinérante, retraite choisie, mais pas dans une situation comme celle-ci.

Voilà, c’est mon impression générale. Bien sûr il y a eu des moments où je me suis senti bien, dans l’harmonie intérieure et dans le ravissement devant le lieu qui m’entourait. Une fois la machine lancée, toujours ça allait mieux. Fort heureusement je me laissais raviver par le simple mouvement de mon pas dans l’air vif, par le plaisir de l’eau fraîche autour de moi et de la nage revigorante, par la beauté environnante simplement qui est toujours différente bien sûr, malgré ce que j’ai dit de l’épuisement du lieu, car la mer, la lumière, la course des nuages ne sont jamais tout à fait les mêmes. Belles réflexions autour de ça dans le livre de Sylvain Tesson que je viens d’achever : Dans les forêts de Sibérie qui mériterait d’ailleurs une note ici que j’écrirais peut-être.

J’en étais là de ce billet. Et puis, « dring », non les téléphones ne font plus « dring » mais toujours est-il que c’était des amis séjournant dans la région et qui se proposait de venir nous voir. Du coup nous les accueillons demain et repoussons notre départ d’un jour. Beaucoup de choses à faire à Paris certes, mais ce n’est pas non plus à un jour près, il n’y a rien qui oblige comme c’était le cas du temps de la vie professionnelle, alors, oui, nous prenons ce temps, nous allons leur faire découvrir cet endroit où ils ne sont jamais venus, cela donne une autre dimension aussi de revoir en faisant découvrir, on ravive sa propre émotion esthétique et son amour d’un lieu à les partager.



 Comment ne pas s'ébaudir de cette beauté? (A la pointe de la Torche)

jeudi 16 août 2012

Autres vignettes bretonnes


Le temps a changé, avec des alternances rapprochées de beau temps lumineux et de grains violents. Ah, la Bretagne ce pays où il fait beau plusieurs fois par jours !

L’autre jour au matin, ce temps d’abord épouvantable, tout noyé de pluie puis, le vent se levant, des écharpes de lumière entre les averses. Je suis sorti marcher sur la plage en fin de matinée. Mouettes et goélands tourbillonnants au-dessus de moi dans les rafales. Belle image : une mouette totalement immobile, dressée face au vent, comme suspendue en plein ciel et tout à coup piquant sans effort sur la vague déferlante, s’emparant d’un poisson. Les capacités, la merveilleuse adaptation de l’oiseau à son milieu révélée par cette simple scène de pêche, me laissent rêveur, moi l’humain pataud qui me traîne laborieusement à contre-vent. L’immense plage est quasi vide. Plus loin cependant un groupe de gens pratiquent le kite-surfing. Moins évident que l’oiseau mais tout de même ! Ils filent au raz de l’eau, parfois décollent spectaculairement, se retournent pour prendre le vent d’une autre façon et retombent lourdement sur la vague. J’imagine les chocs auxquels sont soumis leurs bras, leurs jambes et leur dos, et d’ailleurs, moi qui pour l’heure suis sensible sur le sujet, il me semble que rien que de les regarder j’en ai mal au dos ! 

Hier même démarrage de journée sous une pluie serrée. Le vent se lève à nouveau, encore plus fort, plus régulier que l’avant-veille. Sur les rochers les vagues déferlent en tempête. Cette fois le vent nettoie complètement le ciel. Longue promenade l’après-midi d’abord à couvert en arrière de la côte, dans les bois qui bordent le polder, belle lumière sous les arbres, bruissement des branches au-dessus de nos têtes, le grondement de la mer au loin, quelques mûres au passage…  puis sur la plage au retour mais avec vent de dos, les pieds dans l’écume de la marée montante, la griffure du sable porté par le vent sur nos mollets... 

Bref ce temps ci fait mieux ressentir la Bretagne, on la retrouve et finalement on se sent mieux que dans la platitude des premiers jours. C’est aussi sans doute que mon dos se remet progressivement, ça aide à voir les choses de façon plus positive.

Cet après-midi le vent est presque totalement tombé et une pluie soutenue et insistante s’est installée. Temps breton, temps breton d’accord. Il ne faudrait pas que ça dure trop quand même. Mais bon, on va en profiter pour aller à la ville d’un coup de voiture et tâcher de se trouver un café avec wifi, histoire de se connecter, d’avoir des nouvelles de nos mondes d’au-delà de l’écran et, entre autres choses, de mettre en ligne ces quelques billets récents.


 Côté bois...


 ...et côté mer

dimanche 12 août 2012

Bretagne


Nous voici depuis quelques jours en Bretagne, dans ce lieu que j’affectionne, et qui, plus d’une fois, alors que j’y arrivais avec le moral un peu malmené, m’a, par quelques stations devant l’océan et le ciel, par quelques marches sur le sable et dans la respiration des marées, rapidement apaisé et permis de me sentir « en harmonie » avec moi-même et avec ce qui m’entoure.

Ça n’a pas l’air de marcher comme ça cette fois ci. L’ambiance est peut-être trop franchement estivale, pas vraiment bretonne. Depuis notre arrivée trois jours de très grand beau temps, de ciel uniformément bleu, de chaleur, de plages envahies par les vacanciers et les habitants de l’intérieur. Le premier matin, rituel des courses au supermarché avec beaucoup de monde, l’après-midi nous partons en vélo, un peu trop tôt sans doute, à l’heure de la grande foule. La petite route à l’arrière des plages, dans ses parties qui sont accessibles aux voitures, est affreusement encombrée, les parkings sont bondés, sur la plage nous sommes abrutis de soleil et de foule, je me demande ce qu’on fiche dans ce maelstrom, on n’a pas l’habitude de ça ici… On a repris depuis nos habitudes de plage tardive, lorsque le gros de la foule est parti, lorsque le soleil s’est abaissé et que la lumière est devenue tellement plus belle. N’empêche je n’ai encore ressenti à aucun moment cette année, cette belle sensation qui me saisit souvent ici, celle d’être là où je dois être.

Un autre facteur joue à l’évidence. Je suis perturbé par un pénible mal de dos. En fait je le traîne depuis quelque temps. J’ai fait je crois un faux mouvement en travaillant dans le jardin de notre maison du midi. J’en ressentais de temps en temps des petites gênes, pour me baisser, pour m’accroupir, pour porter une charge un peu lourde. Mais depuis notre arrivée ici ça s’est fortement amplifié sans que je sache pourquoi. Nouveau faux mouvement inaperçu en descendant le vélo ou en déplaçant le lit ? Je suis maintenant gêné de façon permanente dès que je dois changer de position, m’asseoir, m’allonger, me tourner. Cela tire quand je marche un peu longuement ou dès que je monte sur le vélo. Ça me casse sérieusement le moral et j’ai l’impression que c’est toute mon énergie qui en prend un coup, pas seulement celle qui me fait courir les chemins. J’ai l’impression d’avoir pris dix ans d’un seul coup de ralentisseur de mobilité ! Je me traîne entre l’appartement et la plage (les bains de mer par contre me font du bien, je me sens léger et mobile porté par l’eau). Je bouquine. Je glandouille. J’ai des articles à écrire mais ne parviens pas à m’y mettre.
Je me dis que ça devrait passer. Mais ça ne passe pas. Je vais peut-être devoir consulter, quoique j’aie horreur de consulter et que de surcroît je pense qu’il n’y a pas grand chose à faire pour ce genre de choses sinon attendre que ça se remette.

Pas de connexion internet à portée de la main ici. Je suis très archaïque : je n’ai pas de smartphone ni de clés 3G. Mais cette absence est aussi ce qui fait de cet endroit un lieu de ressourcement. Cela fait du bien de se couper totalement pendant un certain temps, de mettre à distance tout ce qui vient crépiter sur nos ordinateurs, sur nos boîtes mails ou sur les sites que l’on suit ou auxquels on contribue. Cela me manque et ne me manque pas. Pour l’instant en tout cas je n’ai pas très envie d’aller à la recherche d’un lieu où la connexion soit possible. J’ai écrit mon billet ce matin dimanche, la publication attendra…


lundi 6 août 2012

Liseuse


J’expérimente depuis le printemps une liseuse, la Kobo de la Fnac. J’y ai lu une dizaine de textes et commence à avoir maintenant un peu de recul sur son usage. 

Mon impression est, disons, mitigée.
Même en me cantonnant à l’aspect pratique et en faisant abstraction du plaisir spécifique lié à l’objet livre lui-même, je suis assez réservé et plutôt déçu.

Le point positif incontestable c’est la capacité phénoménale de stockage de ces petits rectangles légers et maniables. C’est très précieux en déplacement. C’est aussi à terme la perspective de pouvoir dégonfler nos bibliothèques trop chargées d’une partie des volumes qui les encombrent et qui souvent nous écrasent, de ne conserver à terme que les livres qui portent avec eux autre chose que le texte, belles éditions, livres ayant une histoire, livres chargés d’affects particuliers vis-à-vis de nous, souvenir d’une première lecture ou souvenir d’une personne. Je suis également agréablement surpris par le confort de lecture, du moins pour ce qui d’une lecture linéaire classique. L’écran ne fatigue pas les yeux, (rien à voir sur ce plan avec un écran d’ordinateur), le passage d’une page à l’autre est fluide, la légèreté, la maniabilité sont très agréables, par exemple le soir au lit, où des volumes trop lourds ou écrits trop petits sont souvent inconfortables.
Mais à part ça il y a beaucoup d’éléments vantés par les publicitaires qui sont très décevants. La circulation à l’intérieur de l’œuvre quand il ne s’agit pas seulement de passer à la page d’après, reste moins pratique que le feuilletage des pages d’un livre. Surtout les fonctions d’annotation ou le recueil de citations qui me paraissaient devoir être un avantage décisif se révèlent, du moins avec les outils actuels ou, en tout cas, pour le modèle que j’ai choisi, bien difficile à mettre en œuvre. Il reste plus pratique et plus rapide pour moi de noter des choses à la volée sur mon petit cahier que d’opérer des sélections ou de saisir des textes avec des outils qui restent peu maniables. A côté de ça il y a toute sorte de gadgets inutiles sans compter la désagréable impression d’être conduit par la machine elle-même vers un univers marchand donné (celui de la Fnac pour le Kobo, celui d’Amazon pour le Kindle par exemple).

Pour l’instant la plupart de mes achats, très variés, ont été faits sur Publie.net. J’ai acheté quelques textes mineurs (et d’intérêt limité) d’auteurs classiques (d’Henri James, de Jane Austen) et quelques livres plus récents mais épuisés et réédités en Epub. Une seule bonne surprise : Mai 69 de Daniel Morvan, une découverte pour moi, un beau texte à la fois poétique, puissant et évocateur. J’ai aussi acheté quelques textes d’auteurs surgis avec le numérique et dont j’ai pu croiser déjà des œuvres ou des blogs sur le net. J’ai bien apprécié les parties de son journal que Philippe De Jonchkeere a édité en Epub sous le titre de Désordre, un journal, c’est agréable de remettre un peu d’ordre dans le désordre, de trouver dans une suite chronologique de belles pages intéressantes ou émouvantes et par là de saisir mieux une personnalité attachante et riche. Mais grande déception pour d’autres textes vantés ici où là, par exemple le Door County de Dominique Falkner ou le Saphir Antalgos de Cécile Portier, des textes qui ne m’ont pas accroché, je n’y ai vu que des écritures prétentieuses, faussement poétiques. Quant aux deux œuvres censées être conçues pour le numérique, censées jouer de l’intertexualité ou du recours au multimédia, ma déception est complète. Ah d’Emma Reed, vanté dans Le Monde des Livres comme un texte mutant, permettant une navigation aléatoire, m’a paru totalement sans intérêt, faussement érotique et prétentieux lui aussi. L’intertextualité m’a paru gratuite, ramenant d’un texte à un autre sans qu’aucune histoire ne s’y construise véritablement (contrairement à ce que parvenait à faire certains romans « dont vous êtes le héros » d’avant le numérique). Quant à La corde à linge de J.J. Birgé, c’est encore pire, je n’y accède même pas, l’Epub fait planter le Kobo, dès que je clique sur « la mosaïque du périple » ou sur un chapitre quelconque dans la table des matières, mon écran clignote et je me retrouve sur la page d’accueil de la liseuse ! D’où vient le bug ?

Je n’ai aucune prévention contre les nouvelles technologies, j’ai même un à priori de sympathie pour ces nouveaux outils, je sais qu’ils sont incontournables et qu’ils contribueront forcément à créer de nouveaux usages de lecture et de nouvelles formes littéraires. Force est de constater qu’on est seulement à l’aube de la transition.
Parfois je me dis que j’utilise mal l’outil. Mes plongées dans Le Tiers livre de François Bon qui consacre de nombreux articles aux subtilités de la lecture numérique et des différentes machines, ne m’aident pas vraiment. Trop pointu pour moi et plutôt décourageant ! Alors je m’immerge dans tout ça doucettement, sans trop forcer, j’ai de toute façon tant de livres dans mes Piles à Lire que je ne risque pas la pénurie, je m’initie à mon rythme et j’attends aussi les améliorations techniques qui viendront forcément et qui permettront une plus grande convivialité des usages.