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dimanche 13 mai 2012

Walk away Renée

Du cinéaste Jonathan Caouette j’avais déjà vu il y a quelques années Tarnation. Cette espèce d’autobiographie filmée, recyclant quantités de documents d’époque et présentant l’histoire familiale douloureuse de l’auteur, m’avait intéressé mais agacé aussi un peu par son côté trop foutraque et par, peut-être, une certaine complaisance ou ce que j’avais ressenti comme tel.
Rien de tel dans le nouvel opus, Walk away Renée, que je viens de voir et qui me parait beaucoup mieux maîtrisé et construit et du coup plus fort, plus émouvant. J’ai rédigé rapidement une chronique sur ce film pour la rubrique Nous avons vu du site de l’APA car je me dis qu’il ne peut qu’intéresser les amateurs d’autobiographie. Ce genre de film est  évidemment fragile et ne restera pas longtemps sur les écrans, j’avais envie de donner envie de le voir tant qu’il est encore sur les écrans.
Voici cette chronique:

Walk away Renée, raconte la traversée des Etats-Unis, entre Houston au Texas et New-York, qu’effectue le cinéaste Jonathan Caouette en compagnie de sa mère Renée, atteinte d’importants troubles mentaux. Il s’agit en vérité pour Jonathan de transférer sa mère d’une maison médicale dans laquelle il juge qu’elle est mal soignée vers une autre qui serait de surcroît plus proche de son propre lieu de vie. Le film est d’abord un véritable road movie aux teintes acides qui fait défiler les paysages américains et ressentir l’ambiance des lieux traversés. Le périple est ponctué d’incidents, faisant alterner moments de crise et d’exaspération mutuelle mais aussi d’éclats de rire et de joies partagées. La tension est encore accrue par la perte de la pochette qui contient les médicaments indispensables à la stabilisation de la malade, par les tentatives vaines pour s’en procurer de nouveaux, par la crainte à tout moment du dérapage possible de la situation.
La lente progression des voyageurs est entrecoupée de retours en arrière dans le temps qui racontent l’histoire douloureuse de Renée, ballotée toute sa vie d’hôpitaux en institutions, d’électrochocs en camisoles chimiques mais aussi plus largement de sa famille, de ses parents faisant leur possible mais rapidement dépassés, de Jonathan lui-même. L’auteur recycle pour cela une partie des documents qu’il a lui-même réalisé sur sa famille depuis son plus jeune âge et qui avait constitué déjà la matière principale de son précédent film (Tarnation, 2004). Accumuler photos, films et vidéos, exprimer et rendre compte de ce qu’il voyait et vivait a certainement été pour Caouette le moyen de résister à l’environnement pathologique de son enfance.
Renée est montrée sans complaisance, dans ses imprévisibles sautes d’humeur et dans ses délires, corps prématurément vieilli, visage ravagé et édenté. On aurait pu craindre de se sentir malmené par ce qui pourrait être une forme d’exhibitionnisme. Mais il n’en est rien en réalité. C’est que court toujours au travers du film l’empathie profonde et l’amour que Jonathan porte à sa mère. En la filmant il la fait exister. On sent d’ailleurs qu’elle aime être sous le regard de la caméra et qu’elle n’est pas loin parfois du cabotinage. Certains moments rendent compte de véritables bonheurs partagés entre la mère et le fils, ainsi de l’émouvante séquence où, lors d’une halte sur un site touristique, ils ressentent et expriment ensemble la beauté de la cascade qui se déploie devant leurs yeux. Moments éminemment fragiles et peu durables mais réalités fortes néanmoins.
Arrivé à New-York, Jonathan peut faire reconstruire la dentition de sa mère. C’est encore un passage émouvant du film qui celui où elle redécouvre son sourire. La voici belle, rayonnante, comme rajeunie de vingt ans.
Avant de rejoindre sa nouvelle maison médicale, Renée vit un moment chez son fils entre le compagnon de celui-ci et Joshua, le fils adolescent de Jonathan. Un bel échange entre le père et le fils montre que la malédiction familiale semble dépassée. Renée bien sûr reste et restera souffrante mais, du moins pour ceux qui la suivent, la résilience semble s’accomplir.

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